Le segment des obligations indexées sur l’inflation a commencé à prendre de l’ampleur lorsque la Grande Bretagne, comme premier Etat industrialisé, a émis de tels titres en 1981, les inflation-linked Gilts (ILG). Progressivement, d’autres gouvernements lui ont emboîté le pas, tel le Canada (1991), les Etats-Unis (1997), la France (1998) ou l’Allemagne (2006).
Particularités des obligations indexées sur l'inflation
Les obligations indexées sur l’inflation se distinguent des obligations non-indexées, qu’on appelle également obligations nominales pour les départager des obligations indexées, par le fait que les paiements qu’elles génèrent soient indexées sur un indice d’inflation.
Dans certains cas, l’indexation peut porter uniquement sur le capital, dans d’autres uniquement sur les coupons ; mais la règle, surtout en ce qui concerne les obligations émises par les gouvernements, qui représentent le gros du volume de cette classe d’obligations, est que tous les flux soient indexés.
Cette indexation protège le détenteur de ces titres contre le risque d’inflation pendant toute la durée de vie de l’obligation, et lui assure un rendement réel, par opposition aux obligations non-indexées qui génèrent un rendement nominal.
L’indice
L’indice choisi est généralement celui des prix à la consommation du pays émetteur.
Dans le cas des gouvernements européens, la tendance, depuis l’introduction de l’Euro et de la coordination de la politique économique et monétaire, a été d’indexer les émissions récentes sur l’indice d’inflation européenne, publié par eurostat.
L’intérêt des obligations indexées sur l’inflation
L’intérêt pour l’émetteur
Pour l’émetteur, l’indexation de sa dette sur l’inflation peut avoir un intérêt particulier dans deux cas de figure:
1. dans un contexte d’inflation forte et volatile, l’émission d’obligations indexées peut être son seul moyen d’avoir accès aux marchés de capitaux. C'était le cas notamment du Chili en 1956, du Brésil en 1964 ou de l’Argentine en 1973.
2. dans le cas contraire d’une inflation faible et bien maîtrisée, l’émission d’obligations indexées peut lui permettre de réduire ses coûts d’emprunt et, dans le cas où l’émetteur est un gouvernement, apporter de la crédibilité à sa politique de stabilité monétaire.
L’intérêt pour l’investisseur
1. Les obligations indexées sur l’inflation présentent une bien meilleure protection contre l’inflation que les valeurs de placement traditionnels comme l’or, l’immobilier ou les actions, qui présentent deux problèmes:
- Outre l’inflation, leurs prix dépendent de beaucoup d’autres facteurs,
- Leurs prix sont plus volatils, et donc un placement sur ces actifs est plus risqué.
2. La volatilité du rendement des titres indexés est inférieure à celle des obligations nominales, puisqu’elle n’est pas soumise aux aléas de l’inflation.
Vient se rajouter un facteur temporaire qui est que, dû à la relative nouveauté de ce segment, le marché des obligations indexées ne possède pas encore la même variété et profondeur que celui des obligations nominales, ce qui résulte en des niveaux de rendement légèrement supérieurs.
Les investisseurs
Les principaux détenteurs d’obligations indexées sur l’inflation sont les fonds de pension et les compagnies d’assurance, étant donné qu’une partie importante de leurs engagements sont soit directement indexés sur l’inflation, soit liés à des indicateurs qui, eux, dépendent dans une certaine mesure de l’inflation, comme par exemple l’évolution des salaires.
Les obligations indexées émis sur quelques uns des principaux marchés financiers
France
La première émission d’une obligation indexée était l’OATi en 1998, indexée sur l’inflation française. En 2001, la France a émis sa première obligation indexée sur l’inflation européenne (OAT€i). A fin février 2010, l’encours des obligations indexées représentait environ 16% du total des obligations en cours (OAT et BTAN). Il existe trois types d’obligations indexées:
- les Obligations Assimilables du Trésor indexés sur l’inflation (OATi)
encours (au 28-02-2010) : 73.6 mrd € - les Obligations Assimilables du Trésor indexés sur l’inflation européenne (OAT€i)
Encours (au 28-02-2010) : 71.0 mrd € - les Bons du Trésor à taux fixe et intérêts annuels indexés sur l’inflation européenne (BTAN€i)
Encours (au 28-02-2010) : 8.7 mrd €
Etats-Unis
L’émission de la première ligne de Treasury Inflation Protected Securities (TIPS) a eu lieu en 1997. Les TIPS représentaient, avec un volume émis de 632 mrd $ au 30-06-2009 environ 13% de l’encours total des obligations émis par l’Etat américain (T-bonds et T-notes).
Canada
Le gouvernement du Canada a été un des précurseurs en matière d’émission d’obligations indexées, en lançant sa première émission d’Obligation à Rendement Réel (ORR) [en anglais : Real Return Bonds (RRB)] en 1991, devançant ainsi notamment les Etats-Unis de 6 ans.
Au 28-02-2010, les ORR représentaient, avec un encours de 34.1 mrd de C$, environ 9.5% du volume total de l’encours d’obligations du gouvernement canadien.
Allemagne
Traditionnellement frileuse en termes d’innovation financière, l’Allemagne n’a procédé à sa première émission d’obligation indexée qu’en 2006.
Il existe deux types d’obligations indexées, les ILB 5 ans (Bundesobligation, ou “Bobl”) et les ILB 10 ans (Bundesobligation, ou “Bund”), indexés sur l’inflation européenne. Ensemble ils ont, au 19-03-2010, un encours de 34 mrd €, soit environ 3.2% du volume d’obligations émis par la Finanzagentur, qui est l’agence de gestion de la dette de l’Etat allemand.
Les calculs spécifiques aux obligations indexées
Comme il a été largement évoqué ci-dessus, les calculs des obligations indexées présentent quelques spécificités par rapport aux calculs appliqués aux obligations nominales. Nous allons les parcourir ci-après à l’aide d’un exemple concret.
Dans cet exemple, nous allons, étape par étape, déterminer le montant à régler pour l’achat d’un million d’euros de l’OAT€i 3.15 25/07/2032 à un prix pied de coupon de 128.37, le 30 mars 2010, en date de valeur 6 avril 2010.
Détermination de la référence quotidienne d’inflation
Généralités
L’inflation étant un indicateur qui est publié et connu à posteriori, la référence quotidienne d’inflation (RQI) est calculé sur la base d’indices d’inflation du passé.
Pour la plupart des obligations, et notamment pour l’intégralité de celles mentionnées dans cet article, les références des mois m-3 et m-2 sont utilisés. La RQI s’obtient par interpolation linéaire entre les deux indices de référence, en appliquant la formule ci-dessous :
Application à notre exemple
Calcul de la RQI pour une opération en date de valeur 6 avril 2010.
Ci-dessous les derniers IPC mensuels publiés:
Mois | RQI mensuel |
---|---|
02/2010 | 108.02 |
01/2010 | 107.75 |
12/2009 | 108.61 |
… | … |
Les indices de prix à utiliser pour le calcul sont ceux des mois de janvier 2010 (m-3) et de février 2010 (m-2). En appliquant la formule ci-dessous, nous obtenons :
Le résultat obtenu est de 107.795 (a).
Note : cette formule s’applique à l’identique pour les autres titres indexés, notamment les OATi et les BTAN€i, en remplaçant l’IPC européen par l’IPC français le cas échéant.
Détermination du coefficient d’indexation
Généralités
Le coefficient d’indexation, par lequel il faudra multiplier le montant principal de l’achat ou de la vente d’un titre, est déterminé en évaluant la progression entre la RQI à la date d’émission du titre et la RQI à la date de valeur. Voici la formule:
Application à notre exemple
Calcul du coefficient d’indexation pour une transaction sur un titre émis le 25-07-2002 et acheté en date de valeur 6 avril 2010.
RQI25-07-2002 | 94.83337 |
RQI06-04-2010 | 107.795 |
CI06-04-2010 | = 1 + (107.795 – 94.83337) / 94.83337 |
= 1.13668 (b) |
Calcul du montant net de la transaction
(A) | Montant principal (hors inflation) | 1 283 700.00 EUR |
(B) | Montant principal ajusté (A) x (b) | 1 459 156.12 EUR |
(C) | Intérêts courus (hors inflation) | 22 006.85 EUR |
(D) | Intérêts courus ajustés (C) x (b) | 25 014.75 EUR |
(E) | Montant net de l’opération (B) + (D) | 1 484 170.86 EUR |